lundi 20 septembre 2010

F,P,D Univers.

Claude Monet en pleines lumières

Mots clés : Claude Monet, Grand Palais, Impressionnisme, PARIS

Par Eric Bietry-Rivierre
20/09/2010 | Mise à jour : 12:17
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Claude Monet savait retenir tous les instants de la vie : joyeux mais aussi tragiques, voire angoissants, comme ici, dans le tableau La Falaise à Dieppe, peint en 1882. (©Kunsthaus Zürich / All rights reserved)
Claude Monet savait retenir tous les instants de la vie : joyeux mais aussi tragiques, voire angoissants, comme ici, dans le tableau La Falaise à Dieppe, peint en 1882. (©Kunsthaus Zürich / All rights reserved)

En deux cents toiles, la superbe exposition du Grand Palais tient ses promesses et montre comment l'artiste s'est concentré sur des séries.

Comment Bataille a-t-il pu autant se tromper? L'œuvre de Monet serait, selon lui, «vibrant d'un bonheur sans fièvre»? Certes, chacune des deux cents toiles venues des plus grandes collections du monde, Marmottan excepté (qui fait expo à part), vibre. Intensément. Mais la luxueuse rétrospective qui s'ouvre mercredi au Grand Palais témoigne surtout d'une ardeur anxieuse. Monet n'est pas simplement fort pour retenir le plaisir d'une balade en famille dans les coquelicots. Il l'est aussi pour tous les autres moments de la vie: tragiques ­(Camille Monet sur son lit de mort), terrifiants (La Côte sauvage), angoissants (La Falaise à Dieppe), oppressants (Les Déchargeurs de charbon), chaotiques (La Débâcle), étranges (Les Dindons), élégiaques (En Norvégienne), joyeux (La Rue Montorgueil) ou paisibles (La Promenade d'Argenteuil).

En se concentrant sur le phénomène des séries - comment elles sont nées puis se sont systématisées à partir de 1890 pour aboutir au da capo al fine des Nymphéas - l'accrochage par paire, variations ou fugues permet de saisir la force de l'obsession.

Quelle est-elle? Impressionniste, ­Monet a pour seul objet l'effet que lui procure la lumière dans l'air qui passe entre les choses. «Le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui», dont parlait l'ami Mallarmé. Un modèle impossible. Qui fuit, revient, repart, bouge, brouille. C'est l'éclat d'un glaçon, le scintillement d'une onde, la réverbération de fonds marins, un clapotis, un frisson dans un feuillage, une dentelle ou un plumage, le halo du soleil à une heure précise, les ombres dans les anfractuosités d'une falaise…

Comment dresser l'inventaire de ces états? Comment rendre leur métamorphose ? Leur puissance envoûtante? Il faudrait être chaman. «Il me semble, quand je vois la nature, que je vais tout ­faire, tout écrire, et puis va te faire…», peste Monet.

Une méthode instinctive

Son désir est si fort qu'il envoie souvent tout valdinguer, crève ses toiles, tombe à l'eau. Sa correspondance n'est que plaintes. Ce qui le sauve, peu à peu, c'est une méthode trouvée instinctivement. Il a plusieurs toiles en cours. Jusqu'à une cinquantaine à la fin, à Londres. Dès que la lumière de la veille, de l'avant-veille, voire de l'année précédente revient, il fonce dans son stock et reprend l'esquisse adéquate. Un peu comme les paperolles des manuscrits de Proust. Ensuite, le temps change et le manège recommence.

On a beaucoup jasé sur le fait qu'il terminait parfois ses toiles à l'atelier. Quoi qu'il en soit, son travail sur le motif est fondamental. Sans l'immersion dans le paysage, cette peinture-là n'existerait pas. Selon les saisons, l'artiste rentrait trempé, glacé ou rougi. Il lui fallait ce contact avec l'eau, la terre et le ciel. Et même lorsque, patriarche de Giverny à demi aveugle, il enrageait ou chantait avec ses couleurs dans le hangar qu'il s'était fait construire pour la série des Nymphéas, il continuait ce qu'avaient entamé Corot, Boudin, Jongkind…

Au Grand Palais, quelle que soit la force des prêts, une telle épopée ne peut qu'être évoquée. On notera qu'il manque la meilleure toile de la série des Peupliers ; qu'il n'y a «que» cinq Cathédrale. Mais combien sont sublimes les suites de Pourville, Bordighera, les rochers de Belle-Île, les ravins de la Creuse ou ces meules qui subjuguèrent Kandinsky. Londres culmine dans sa mystérieuse majesté cotonneuse. La dernière salle, celle des Nymphéas, est trop lacunaire et c'est regrettable, car l'ultime obsession est un apogée. Elle incite toutefois à revoir la grande décoration du Musée de l'Orangerie, cet incroyable requiem. Autrement, on saluera l'étude pour le Déjeuner sur l'herbe du Musée Pouchkine, la réponse de Monet à Manet qu'il voulait monumentale mais dont seuls deux pans subsistent. Ils sont là, à proximité. Même dans ces travaux de jeunesse, l'effet de série se remarque, puisque Monet y peint plusieurs fois les mêmes modèles. Ainsi, dans Femmes au jardin, où Camille, sa première femme, figure quatre fois.

Au final, on oubliera qu'Impression, soleil levant n'est pas au rendez-vous, et l'on réalise que, si la toile demeure déterminante pour l'histoire de l'art, ce n'est pas un chef-d'œuvre.

À partir de mercredi et jusqu'au 24 janvier. Tél. : 01 44 13 17 17. www.monet2010.com





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