samedi 24 avril 2010

Le jour où l'Eyjafjöll s'est réveillé

Mots clés : volcan, Eyjafjöll, ISLANDE

Par Bernadette Gilbertas (texte) et Olivier Grunewald (photos)
23/04/2010 | Mise à jour : 17:40
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Les aurores boréales sont provoquées par la projection de particules lors des éruptions solaires. Leur interaction avec des molécules de gaz dans la très haute atmosphère est à l'origine de ces draperies lumineuses qui dansent au-dessus du panache de l'éruption.
Les aurores boréales sont provoquées par la projection de particules lors des éruptions solaires. Leur interaction avec des molécules de gaz dans la très haute atmosphère est à l'origine de ces draperies lumineuses qui dansent au-dessus du panache de l'éruption.

C'était il y a moins de trois semaines. Avant de désorganiser le ciel européen, l'Eyjafjöll offrait un spectacle grandiose. Le photographe Olivier Grunewald fut l'un des premiers à se rendre sur les lieux. Des clichés et un témoignage exclusifs sur les premières heures de l'éruption.

Du profond canyon taillé dans des coulées anciennes s'élèvent d'épaisses volutes de vapeur. Une rafale de vent découvre enfin la scène d'où s'échappent cognements et grondements sourds. Des jets de vapeur, de cendres et de blocs incandescents giclent avec fureur, dévalent la paroi et s'écrasent en contrebas dans des panaches de poussières sombres. Une odeur âcre de soufre se disperse dans l'air surchauffé. Au coeur de ce paysage tout de noir et de blanc, les forges de Vulcain entrent en action ! Après avoir éventré l'une des langues du glacier, puis emprunté une vallée étroite, pulvérisant dans les airs les eaux de la rivière Hvannargil, un torrent de lave fluide plonge d'une centaine de mètres dans la gorge, empruntant le parcours d'une cascade figée par le froid. Le combat entre les roches ignées et la glace est inégal. Loin de se refroidir, les laves rougeoyantes s'enfoncent sous la calotte blanche qui explose puis se vaporise instantanément, provoquant des dizaines d'explosions phréatomagmatiques.

L'éruption fissurale de l'Eyjafjöll a eu lieu le 20 mars en pleine nuit et en plein blizzard. La seconde fissure s'est ouverte sur les flancs du volcan, sous l'oeil de notre photographe, le 31 mars à 19 heures. En quelques minutes, un rideau de matière en fusion s'élève dans les airs et produit d'importantes coulées.
L'éruption fissurale de l'Eyjafjöll a eu lieu le 20 mars en pleine nuit et en plein blizzard. La seconde fissure s'est ouverte sur les flancs du volcan, sous l'oeil de notre photographe, le 31 mars à 19 heures. En quelques minutes, un rideau de matière en fusion s'élève dans les airs et produit d'importantes coulées.

Jamais l'Islande n'a si bien mérité son appellation de Terre de glace et de feu. La cascade rouge sang qui se déverse maintenant dans le canyon redonne à la scène une dimension inquiétante qui avait, pour un temps, cédé la place à l'émerveillement. La lave remplit ce que la rivière volatilisée depuis peu avait mis des millénaires à creuser. Sur la rive, la foule immobile est saisie par le spectacle. S'il n'y avait les bruits des explosions, le silence serait religieux. Captivante et repoussante, la matière en fusion alimente un véritable pèlerinage. Tous sont venus en quête de communion avec les forces chtoniennes.

Les coulées commencent à s'épancher sur la neige immaculée

Nous sommes le 31 mars. Nul ne sait encore que les fumées qui commencent à s'échapper de l'Eyjafjallajoküll vont provoquer la panique dans le ciel européen. En émergeant à la surface de la Terre, le magma réagit violemment au contact de la glace. Une première explosion va projeter des cendres que le vent emporte une vingtaine de kilomètres plus loin. La lave se met aussitôt à jaillir. Des jets incandescents propulsés à la verticale illuminent la nuit islandaise. Rapidement, un rideau de lave se dresse le long d'une fissure de 500 mètres. Le magma retombe en pluie, et les coulées commencent à s'épancher sur la neige immaculée. Immédiatement, les autorités du pays prennent des mesures draconiennes : routes interdites dans le périmètre du volcan, fermeture de l'espace aérien pendant trois jours, évacuation rapide, mais dans le calme, de près de 600 personnes, essentiellement des fermiers susceptibles d'être touchés par les redoutés jökulhlaups, ces éruptions sous-glaciaires pendant lesquelles le réchauffement du glacier provoque de brusques coulées d'eau et de glace mêlées particulièrement dévastatrices. Si la population locale apprécie ces mesures ultrarapides et efficaces, les fermiers pensent avec émotion aux chevaux et moutons laissés derrière eux.

La détente brutale des gaz et de la vapeur, lors du contact entre la lave et la glace, provoque de très violentes explosions phréatomagmatiques qui pulvérisent les roches volcaniques.
La détente brutale des gaz et de la vapeur, lors du contact entre la lave et la glace, provoque de très violentes explosions phréatomagmatiques qui pulvérisent les roches volcaniques.

Les soupirs de notre Terre ne suscitent pas encore d'inquiétudes. Mieux, ils attirent une foule de touristes, de badauds, d'amateurs éclairés ou de riverains. Une déferlante humaine déboule sur le lieu de l'éruption. Motoneige, quad, 4 x 4, engin à chenilles, avion, hélicoptère, tous les moyens sont bons pour assister au spectacle. Les plus courageux arrivent à pied par la vallée de Torsmörk ou par le sud, en partant des chutes Skogafoss, l'éruption ayant eu la bonne idée de se dérouler sur un célèbre itinéraire de randonnée, au col de Fimmvörduháls. Parmi eux, Olivier Grunewald, notre photographe, resté sur place trois jours et trois nuits pour ausculter les soubresauts des entrailles de la terre. Incapables de se détacher de ces lambeaux de magma projetés vers le ciel, beaucoup sont fascinés, magnétisés même. D'autres, poussés par la curiosité, prennent le risque de s'approcher, mais la crainte du danger prend le pas sur la beauté. Un oeil rivé sur le volcan, l'autre vers le chemin du retour, ils ont hâte de quitter ce lieu sûrement hanté par des forces malignes. Hôtels et hébergements ont fait de l'éruption un nouvel argument de vente, histoire d'attirer des touristes dans un pays durement touché par la banqueroute.

Sautant la falaise et plongeant dans un canyon, la lave, à plus de 900 °C, comble ce que l'eau et la glace avaient mis des millénaires à creuser. Les premières anomalies sismiques, qui datent de 1991, ont augmenté dès le début du mois de mars, laissant déjà présager un risque d'éruption.
Sautant la falaise et plongeant dans un canyon, la lave, à plus de 900 °C, comble ce que l'eau et la glace avaient mis des millénaires à creuser. Les premières anomalies sismiques, qui datent de 1991, ont augmenté dès le début du mois de mars, laissant déjà présager un risque d'éruption.

Face à l'afflux des visiteurs, les services de secours se mettent en place pour éviter les accidents surtout liés aux conditions climatiques. Le froid et le vent sont les principaux risques sur cette île où l'hiver sévit encore durement. Tout semble se dérouler tranquillement. Mais à 19 heures, Benedikt, le guide islandais d'Olivier, le cheveu et l'oeil clair, digne descendant des colosses vikings, arrive aussi surexcité qu'un enfant au pied d'un sapin de Noël. Un appel radio lui a signalé qu'une seconde fissure vient de s'ouvrir. Notre équipe fonce sur la zone : un rideau de fontaines de magma s'élève à près de 100 mètres de hauteur sur le ciel encore clair. Jaunes, orange, rouge sang, dynamiques, imprévisibles, les jets de lave qui pulsent de la seconde plaie ouverte sur les flancs du volcan alimentent de nouvelles coulées, qui se perdent sur le versant nord. Impossible de détacher les yeux de cette incandescence qui augmente au fur et à mesure que la nuit s'intensifie. Benedikt l'Islandais, qui vit à 10 kilomètres de là, reste muet, photographiant sans relâche le mur de lave. Le souffle court, marqué par l'émotion, il murmure : «Once, in a lifetime, once in a lifetime !» («Une seule fois dans sa vie, une seule fois !») L'éruption de l'Eyjafjöll vient de prendre une allure autrement sérieuse, voire dramatique. Les gyrophares des équipes de secours s'allument dans la montagne. En fidèles bergers rassemblant leur troupeau, elles repoussent les visiteurs en les sommant d'évacuer les lieux. Les hélicoptères tournent à la recherche de randonneurs qui se sont hasardés trop près de la nouvelle fissure. Pas question de laisser une seule personne à la traîne. La température tombe à 20 °C, le blizzard se lève. Le photographe et son guide se font dépanneurs, aidant les véhicules pris dans la neige, le moteur bloqué, réparant les pneus des autres.

Bientôt, d'étranges pulsions lumineuses pourfendent la noirceur étoilée. Une autre éruption, solaire cette fois, a eu lieu deux jours plus tôt. Les vents de particules projetées par le soleil à travers l'espace cosmique ont heurté la magnétosphère terrestre, générant un ballet d'aurores boréales audessus du panache incandescent du volcan. La scène n'est plus spectaculaire, elle est presque irréelle. Et semble donner un surcroît d'énergie au volcan. Le 14 avril, un panache de vapeur s'élève à plus de 8 kilomètres dans l'atmosphère. Au sommet de l'Eyjafjallajoküll, la glace se fissure, se boursoufle et lâche brusquement. Un torrent impétueux de boue, d'eau et de roches, l'un de ces fameuxjökulhlaups, vient de se déclencher, inondant le sandur, vaste plaine de sables noirs qui s'étale au pied des glaciers. De violentes explosions se succèdent et projettent en haute altitude un voile noir. Poussé par les vents, le panache de cendres sème désormais le désordre dans les aéroports européens, bloquant des millions de passagers. L'éruption ne semble pas faiblir. Pour combien de temps encore F,P,D Univers."Ideas del hombre y más .......".

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