dimanche 28 mars 2010

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La sainte Russie au Louvre

Mots clés : sainte Russie, Louvre

Par Eric Bietry-Rivierre
22/03/2010 | Mise à jour : 16:58
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Calice à deux anses, XIe siècle. (Musée d'État de Novgorod, Novgorod /Photo Evgenii Gordiychenkov)
Calice à deux anses, XIe siècle. (Musée d'État de Novgorod, Novgorod /Photo Evgenii Gordiychenkov)

Raconter neuf siècles en quatre cents objets, c'est offrir trop de grandeur dans trop peu d'espace.

Difficile d'accéder aux vitrines. Impossible de lire leurs affichettes. Et comment ne pas marcher sur les pieds d'un public de pèlerins ou se faire écraser les siens dans ce condensé de neuf siècles d'une civilisation parmi les plus généreuses, irrationnelles et exaltées du monde occidental ?

Présenter au Louvre, à l'occasion de l'année de la Russie en France, dans les 1 350 m² du hall Napoléon, quatre cents pièces exceptionnellement prêtées par des musées, bibliothèques, églises et monastères orthodoxes, répond pourtant à une logique. Celle qui fait dire au prince Michtine, dans L'Idiot de Dostoïevski, que la beauté sauvera le monde. Parce que le croyant est un humaniste, qu'il pense qu'il y a beaucoup à sauver, la beauté se doit d'être immense. Mais, dans cette profusion, qui va des premières mentions de conversions lisibles dans certains manuscrits de Kiev à un portrait louis-quatorzien d'un Pierre le Grand ancrant résolument son empire dans la modernité occidentale, il devient vite vain de vouloir tout admirer.

Le mieux est de choisir. Tant pis donc pour la numismatique, pour les vestiges archéologiques et même pour les augustes enluminures : on se promet pour elles seules de revenir un jour. Priorité aux grandes pièces et aux plus étincelantes. Cap d'abord sur cette miraculeuse Vierge de tendresse. Elle pourrait être due à Andreï Roublev, le plus fameux des moines peintres, puisqu'il sut tellement bien interpréter l'héritage byzantin que son art se confond depuis avec l'identité russe.

La vraie beauté est celle du Christ

Plus loin, les saints armés Boris et Gleb (Novgorod, milieu du XIVe siècle) brillent de leurs feux sang et or. Avant, c'est toute la Nativité de la Vierge qui est racontée dans le cuivre doré à chaud des monumentales portes d'or de la cathédrale de Souzdal (début XIIIe). Tournons ensuite autour du calice à deux anses, un chef-d'œuvre de Kosta. Ce maître orfèvre de Novgorod du XIe siècle y a employé toutes les techniques d'argenterie. Fonte, repoussage, ciselure, dorure, niellage…

Puis arrêt devant la Vierge du monastère de Tolga, parfaite icône du XIIIe siècle. Et station devant chacune des scènes et figures de l'iconostase de la Dormition du monastère Saint-Cyrille du lac Blanc. Elles seules suffiraient à montrer que dans ce monde profondément chrétien, la vraie beauté est celle du Christ.

Plus loin, l'icône funéraire de Basile III et celle de la vision de saint Euloge excellent parmi les productions du XVIe siècle, époque d'Ivan le Terrible et d'une Moscou autoproclamée troisième Rome. Retour ensuite à Andreï Roublev, dont la Trinité, absente, se lit en creux dans son écrin d'or et de pierres précieuses. Un habillage appelé oklad si fabuleux qu'il devint lui-même, comme par contamination, sacré. Il fut réalisé dans les ateliers du Kremlin au début du XVIIe sur ordre du tsar Boris Godounov, puis encore enrichi par Michel, le premier des Romanov, et encore une fois en 1754.

Signe des temps et de la rupture révolutionnaire fût-elle plus radicale que celle qu'imposèrent les Mongols à partir de 1223 , l'oklad a été séparé de l'icône de Roublev en 1918. Ce cœur absent, mais qui palpite encore, n'est-ce pas là toute l'âme russe ?

« Sainte Russie, l'art russe des origines à Pierre le Grand », jusqu'au 24 mai, hall Napoléon du Musée du Louvre. Rens. : 01 40 20 53 17 ou www.louvre.fr.



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