dimanche 27 septembre 2009


F,P,D Univers.Les sept défis de Benoît XVI
De notre envoyé spécial à Rome, Jean-Marie Guénois
26/09/2009 | Mise à jour : 00:28 |

Benoît XVI célèbre la Pentecôte, le 31 mai 2009, dans la basilique Saint-Pierre. Crédits photo : Maria G. Picciarella/ROPI-REA
Le Pape veut notamment mener de front le dialogue avec les intégristes, le rapprochement avec les orthodoxes et la réconciliation avec les juifs.

Benoît XVI arrive samedi matin à Prague, ville européenne s'il en est. Il va passer trois jours dans le cœur symbolique du Vieux Continent. Il y évoquera sa vision de l'Europe, vingt ans après la révolution de velours menée par Václav Havel. En République tchèque, le résultat est toutefois âpre pour l'Église catholique. La pratique religieuse - à peine 5 % - est l'une des plus basses d'Europe. Benoît XVI va donc encourager les trois millions de catholiques (31,7 % de la population) à s'avancer en témoins du Christ. Avec tact - le pays traverse une crise politique - il cherchera aussi à débloquer le dossier de la restitution des biens d'Église toujours en suspens.

Mais ce treizième voyage hors d'Italie marque aussi la «rentrée» de Benoît XVI sur la scène mondiale. Après la publication de son encyclique sociale en juillet, ses deux semaines de vacances dans le Val d'Aoste contrariées par une fracture au poignet, il a repris son activité, début août, dans sa résidence d'été de Castel Gondolfo. Contrairement aux idées reçues, ce lieu idyllique dominant le lac d'un ancien volcan situé à 20 km à l'est de Rome n'est pas une résidence de vacances. Le Pape y travaille à un autre rythme et avec moins de visites, mais il est loin d'y être au repos.

De fait, l'année qui s'ouvre, note-t-on au Vatican, ne pourra pas être plus difficile que celle qu'il vient de traverser. Le Pape, plutôt en forme selon ses proches, en sort encore marqué. Comme s'il en portait encore un certain poids moral. Ses amis, ses compatriotes notamment, lui ont confirmé que l'affaire Williamson n'est pas passée dans l'opinion.

Et il reste tant à faire. Sept travaux au moins attendent cet homme de 82 ans qui aura accompli cinq années de pontificat en avril prochain.

Handicapé une partie de l'été pour jouer du piano, son loisir favori, le Pape a toutefois pu écrire même s'il a été ralenti. Il a mis une dernière main au second tome de son Jésus de Nazareth, qui doit paraître au printemps 2010. Cette fois, c'est la délicate question de la Résurrection qui devrait être abordée. Une question théologique très disputée. Ce premier travail est actuellement - et sub secreto - dans les mains d'experts à qui le Pape a demandé, plus encore que pour le premier tome, un avis et une relecture critique. La rédaction finale pourrait être achevée à la fin de l'automne de façon à lancer les multiples traductions et l'édition du livre.

Rétablir l'unité de l'Église

Beaucoup plus complexes, en revanche, s'annoncent les discussions théologiques avec les disciples de Mgr Lefebvre. Dans un mois, les deux délégations, l'une venue d'Ecône en Suisse, l'autre romaine, vont s'asseoir autour d'une table et parler théologie. Cette étape du rapprochement souhaité par Benoît XVI a été rendue possible par la levée des excommunications en janvier dernier. Elle a quelque chose d'inédit, puisque les dernières discussions sur le fond remontent à 1988. C'était alors le cardinal Ratzinger en personne qui avait rencontré Mgr Marcel Lefebvre à la recherche d'un accord théologique. Cette fois, Benoît XVI a délégué cette mission à quatre hauts responsables. Ils allient l'expertise théologique et l'expérience ecclésiale. Ils savent que cet échange est décisif. Certains commentateurs parlent même d'une «mission impossible», puisque leur rôle consiste à trouver une issue à ce qui est la cause même de la rupture intégriste : le concile Vatican II.

D'autres, même s'ils partagent la volonté de Benoît XVI de rétablir l'unité, s'inquiètent des conséquences que pourrait avoir un échec. Après l'affaire Williamson, qui a objectivement entaché l'autorité du Pape, une rupture avec les lefebvristes donnerait raison à toute une partie de l'Église catholique qui ne comprend toujours pas pourquoi Rome accorde tant d'attention à ce groupe contestataire. En tout état de cause, ce deuxième chantier demandera des mois de confrontation et beaucoup de diplomatie.

Directement liée à l'affaire Williamson, une troisième entreprise, déjà entamée avec le voyage du Pape en Terre sainte en mai dernier, est toujours en développement. Il s'agit de nourrir une solide réconciliation de long terme avec le peuple juif. Et de sortir de l'amalgame qui a pu laisser croire que ce pape allemand, en levant l'excommunication d'un négationniste de la Shoah, aurait été lui-même intellectuellement complice de cette pensée. Dès qu'il en a eu l'occasion, le Pape a répété tout au long du printemps que l'Église n'était pas antisémite. Sa visite à la synagogue de Rome, en novembre prochain, même si elle n'aura pas l'ampleur de la première que fit Jean-Paul II en 1986, ni la force de celle que fit Benoît XVI à la synagogue de Cologne en 2005, sera donc appréciée. Dans le même registre, le report finalement décidé de facto par Benoît XVI de la béatification de Pie XII, va dans le même sens. Si elle se fait, il y a peu de chance désormais pour que cela se passe sous son pontificat alors qu'elle était à l'ordre du jour il y a un an.

En revanche, et voilà une quatrième œuvre, la béatification de Jean-Paul II, elle, s'annonce, «probablement», indique-t-on à Rome, pour l'année 2010. Elle n'est pas encore techniquement votée par les cardinaux compétents en la matière, mais le procès est achevé. L'indispensable miracle est là en la personne d'une jeune religieuse française, il y en aurait même d'autres. Benoît XVI avait accepté que ce dossier soit traité, avant le délai requis de cinq ans après la mort de l'intéressé, comme Jean-Paul II le fit pour Mère Teresa, mais il veut que tout se fasse dans le respect scrupuleux des règles et à l'abri des pressions extérieures. Il serait dès lors étonnant que tout soit prêt pour le cinquième anniversaire de la mort du pape polonais, le 2 avril prochain. En attendant, dans la crypte de la basilique Saint-Pierre, dès l'ouverture et jusqu'au soir, les fidèles de toutes nationalités sont toujours nombreux à venir se recueillir sur la tombe de marbre blanc de Jean-Paul II. Le rayonnement de ce pape semble intact et toujours aussi puissant. En Pologne, et dans beaucoup de pays, la béatification est donc désirée avec beaucoup d'impatience.

Orthodoxes et évêques africains

Ce pape slave aura marqué l'histoire mais aura échoué dans sa volonté de se rapprocher de l'orthodoxie. Il n'aura pas réussi à rencontrer le patriarche de Moscou. Ce que Benoît XVI pourra peut-être vivre. Allemand, il est plus proche culturellement des Russes que ne le sont les Polonais. Tel est son cinquième défi. Le courant passe bien entre lui et le nouveau patriarche de Moscou, Cyrille Ier. D'une certaine manière l'on n'a jamais été aussi proche d'une rencontre. Elle n'est pas en soi prioritaire, car les deux responsables ne veulent pas d'une simple photographie historique mais d'une rendez-vous qui serait le point de départ d'une nouvelle collaboration entre les deux Églises, et surtout la fin de la méfiance. Le vent est donc favorable, mais le terrain reste encombré par la question ukrainienne, où le renouveau de l'Église gréco-catholique ne plaît pas à l'Église orthodoxe russe. De passage à Rome ces derniers jours, le responsable des relations extérieures du patriarcat de Moscou, l'archevêque Hilarion de Volokolamsk, a pu le faire remarquer, même si le bilan de sa visite est jugé très positif.

Après le Nord, c'est le grand Sud qui sera l'ordre du jour, le mois prochain, lors du synode sur l'Afrique que Benoît XVI a convoqué à Rome. Sur 240 invités, deux cents évêques font le voyage du continent noir pour réfléchir pendant trois semaines aux destinées de l'Église catholique africaine. Elle est dynamique, mais tout aussi encombrée par une série de problèmes majeurs. L'attente du Pape n'est pas de trouver une solution à tous les problèmes mais d'impliquer l'Église universelle pour l'Afrique et ne pas laisser tomber ce continent doublement victime de la crise mondiale en cours. C'est la «méthode synodale» qui sera appliquée, basée sur la prise de parole de chaque évêque en vue d'une synthèse commune. À la fois bilan du passé et stratégie d'avenir, le synode permet au moins de mettre tous les problèmes sur la table. Cette méthode synodale sera aussi appliquée, dans un an, pour le Moyen-Orient.

Région du monde pour lequel le Pape a aussi convoqué un synode des évêques avec, en toile de fond, la dramatique hémorragie des chrétiens qui, souvent contraints, abandonnent la «Terre sainte». Ces deux synodes sont le sixième travail de Benoît XVI. Pas le moindre, en tout cas, car ces deux régions sont capitales pour l'avenir du catholicisme.

Dernière et septième épopée : les voyages pontificaux. Après celui de République tchèque, ce week-end, rien n'est encore annoncé officiellement mais on parle de Malte, du Portugal et de l'Angleterre, de l'Allemagne et de la Biélorussie. Trop en tout cas. Il faudra choisir car ce n'est pas la priorité de ce Pape intellectuel. La Chine pour l'heure reste un rêve. Les choses en revanche pourraient bouger du côté du Vietnam où l'Église catholique démontre une vigueur sans précédent vis-à-vis du régime. Un bras de fer dont pourrait parler le chef de l'État vietnamien Nguyên Minh Triet avec Benoît XVI, qu'il doit rencontrer à Rome à la fin de cette année.

Benoît XVI sait qu'il n'est pas un hercule, mais cet homme intérieur, peu soucieux de son image, attache surtout de l'importance au travail de longue haleine moins visible que ces sept travaux : la réforme en douceur de la liturgie catholique et la question de l'identité du prêtre. C'est le sens de «l'année du prêtre» en cours.



"Ideas del hombre y más .......".

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