Maria Pagés, déesse du flamenco
Mots clés : Maria Pagés, Larbi Cherkaoui, Fourvière, Autorretrato, Dunas
Par Ariane Bavelier06/07/2010 | Mise à jour : 14:26
La danseuse présente, à Fourvière, «Autorretrato», avec sa compagnie, et «Dunas», un duo avec Larbi Cherkaoui.
Tout s'explique par les mains dans la danse de Maria Pagés.Ici, dans Autorretrato. Crédits photo : Victoria Hidalgo/Nuits de Fourvière
D'autres tournent ou frappent des pieds. Elle, ce sont les bras. C'est à cause d'eux qu'elle danse. «Ils permettent de saisir, envoyer au loin, plier contre son cœur, ramener sur sa tête, jeter des sorts. Ils traduisent ma manière primitive de m'exprimer », dit-elle. Et, en effet, ils gouvernent toute sa danse et semblent avoir un pouvoir d'envoûtement infini, pas seulement auprès du public, mais aussi d'autres artistes.
Son compatriote Placido Domingo les a conviés à accompagner sa voix. Mikhaïl Barychnikov leur a commandé cet Autorretrato, créé dans son centre d'art à New York. Antonio Gadès les avait distingués dans une foule de «braceos» inconnus et convié leur propriétaire à rejoindre sa compagnie. Le poète José Saramago leur a écrit un poème que Maria interprète dans son Autorretrato, portant son «braceo» à des sommets de poésie. Quant à Sidi Larbi Cherkaoui, chorégraphe contemporain au sommet, il est venu exprès auprès d'elle à Madrid prendre des leçons de bras. Il voulait savoir et comprendre : ces envolées, ces volutes, ces élans, ces convulsions, ces abîmes qu'ils ouvrent à l'intérieur du ventre.
Maria Pagès et Larbi Cherkaoui s'étaient découverts un Noël, à Monaco, en 2002:lui tout jeune venait de remporter le Nijinsky Award de la chorégraphie, elle se produisait sur le Rocher au même moment. Ils se sont entendus. Lui dit que tout dans sa danse s'explique par les mains. Ils ont juré de se revoir. Huit ans après, Dunas est né de cette longue complicité, passée à dialoguer et à voyager, courant l'un après l'autre, accordant des programmes chargés de tournées, pour se retrouver au Tibet, au Mexique, dans le désert marocain mais ensemble, enfin. Ainsi est né ce dialogue au sommet, entre un des plus importants danseurs contemporains et une grande «maestra» du flamenco.
«Un état organique»
«Pour moi, danser, c'est modifier les énergies », dit Larbi Cherkaoui, capable de saisir autant celle du flamenco que des moines shaolin ou de la délicate Shantala Shivalingappa, danseuse indienne avec qui il écrit un duo. À cette définition assez bouddhiste de la danse, Maria Pagès répond avec des arguments de mystique espagnole, comme soufflés par saint Jean de la Croix:«Quand je danse, je me sens reliée à quelque chose, un mystère qui me fait toucher à la juste nature des choses. J'ai l'impression d'atteindre un état complètement organique qui me permet de m'adresser à la lune, au soleil, aux arbres. Ça n'est pas quelque chose que j'aurais pu dire il y a dix ans, ça m'est arrivé avec la maturité. Enfant, j'avais besoin de danser pour m'exprimer et ça me mettait en joie, même s'il s'agissait de traduire un drame qui m'atteignait.»
Avec ses bras, Maria raconte cela et bien d'autres choses dans son Autorretrato. Dans cet exercice, elle expose sans chichis, avec une rigueur scolaire, les travaux et les jours dans la compagnie qu'elle a créée et porte seule, à bout de bras. Pages de solitude, de répétition, d'écriture, d'inspiration, branle-bas de vestiaire… Tout est dit dans un récit d'une solidité détonante, mais striée de zones d'ombre et d'une danse si intérieure et si radieuse qu'on est transporté.
Festival de Fourvières:«Autorretrato», ce soir et demain; «Dunas», les 9 et 10 juillet. Loc.:04 72 57 15 40.
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