mardi 8 juin 2010

F,P,D Univers.

Les divas, côté vestiaire

À gauche : Costume signé Christian Lacroix portée par Renée  Fleming pour «La Traviata». À droite : Costume porté par Kiri Te Kanawa  pour «Chevalier à la rose», opéra de Strauss, Costumes d'Ezio Frigerio,  Opéra Garnier, 1976 (CNCS /Pascal François)
À gauche : Costume signé Christian Lacroix portée par Renée Fleming pour «La Traviata». À droite : Costume porté par Kiri Te Kanawa pour «Chevalier à la rose», opéra de Strauss, Costumes d'Ezio Frigerio, Opéra Garnier, 1976 (CNCS /Pascal François)

À Moulins, le Centre national du costume de scène réunit les tenues d'une trentaine d'artistes lyriques et de chanteuses.

(Envoyée spéciale à Moulins)

Cela n'a pas été facile de les rassembler:Sarah Bernhardt, La Callas, Renée Fleming, Régine Crespin, Montserrat Caballé, June Anderson, Zizi Jeanmaire, Dalida… Les mortes encore, passe:leurs caprices se sont tus avec elles. Mais les vivantes ! Celles qui sont habituées à tenir l'affiche toute seule, à nier les rivales, comment les convaincre de la partager avec d'autres? Zizi Jeanmaire a beaucoup tergiversé avant de confier ceux, sublimes, qu'Yves Saint Laurent lui avait dessinés pour les revues du Casino de Paris. Elle redoutait la compagnie des costumes de Joséphine Baker qui n'ont finalement pas été retrouvés. Mais elle a pris ombrage de l'hommage rendu à Dalida. C'est en effet à la chanteuse que Maurizio Cattan, couturier et commissaire de l'exposition, a choisi de dédier un petit théâtre spécial, où les films de ses chansons sont projetés à mesure que défilent ses robes Balmain ou Azzaro. «J'y tenais. C'est l'icône de la diva populaire, dit-il. J'ai voulu que l'exposition raconte des histoires, comme un père à son enfant avant de s'endormir. »

Costume porté par Maria  Callas pour «Norma», opéra de Bellini, Costumes de Marcel Escoffier,  Opéra Garnier, 1964 (Photo CNCS /Pascal François)
Costume porté par Maria Callas pour «Norma», opéra de Bellini, Costumes de Marcel Escoffier, Opéra Garnier, 1964 (Photo CNCS /Pascal François)

Mission accomplie:les souvenirs parlent entre les vitrines tendues de noir où flotte l'ombre de Maria Callas, le buste plantureux d'Hortense Schneider, muse d'Offenbach, si bien auprès des messieurs de la cour qu'on la surnommait «le passage des Princes», ou la reconstitution d'une loge entièrement capitonnée de rose, où les chaussures de Cléo de Merode dialoguent avec le vanity d'Édith Piaf. On marche entre déesses et Castafiore, émotion et péplum, larmes et rires. En regard des vitrines, des petites vidéos montrent les divas interprétant l'air de leurs costumes.

Ils sont exceptionnels. «Les divas vivaient dans le luxe, on est tombé maintenant dans l'idée du luxe », dit Maurizio Cattan. Signées Worth, Saint Laurent, Léonor Fini, Christian Lacroix, Piero Tosi… les robes révèlent dans leurs étoffes et leurs détails un raffinement de haute-couture. Cécile Sorel qui en 1950, fit dessiner sa coiffe par Dior au moment d'entrer dans les ordres, dénonçait déjà le laisser-aller des comédiennes : « Je les trouve affreusement bourgeoises, elles sont actrices comme on est employée des postes. Elles font leur marché, leur cuisine. Moi, quand je sortais, c'était un événement.»

«Une vraie peau de vache»

Capricieuses les divas? «Moins que beaucoup de clientes», affirme Christian Lacroix. Avec Luchino Visconti comme Pygmalion, Maria Callas imposa pour Norma, drapés à l'antique et décolletés bénitiers ouverts jusqu'à l'épaule, mais s'est glissée, bonne fille, dans le lourd costume de Médée fait de tissus raidis par la colle. «Si ça va au décorateur ça me va », disait-elle. Tendues par leurs rôles, la plupart des divas revendiquent seulement le droit d'avoir un costume qui les aide : «Avant de nous entendre chanter, le public nous voit», disait Régine Crespin. Elle faisait même reproduire ses costumes de scène, pour prolonger dans le privé ces moments de grâce. Sylvie Guillem est une des seules à inclure dans ses contrats un droit de regard sur ses costumes, héritage d'une tradition du XIXe siècle où les divas se produisaient dans la tenue de leur choix.

Edith Piaf. Robe de scène  noire dite «robe fétiche» (Coll. BNF, ADS, Fonds Edith Piaf. Photo  Patrick Lorette / BNF, ADS)
Edith Piaf. Robe de scène noire dite «robe fétiche» (Coll. BNF, ADS, Fonds Edith Piaf. Photo Patrick Lorette / BNF, ADS)

«Teresa Stratas était une vraie peau de vache, se souvient Philippe Bineau, qui a dirigé l'atelier costume de l'Opéra de Paris pendant trente ans. E lle déchirait les bâtis aux essayages mais c'était bien la seule. Toutes les divas ne sont pas aussi faciles à habiller que Natalie Dessay. Certaines, rondes comme des tours, réclament qu'on marque la taille, d'autres s'effondrent en larmes car elles se trouvent laides. Nous sommes sans cesse dans le secret des déesses, il faut savoir les écouter.»

Un dimanche, au grand-duché du Luxembourg, il a dû improviser pour Montserrat Caballe dont toutes les valises étaient par erreur parties à Lagos, un costume de scène avec trois jupes noir lamé or (une pour le buste, deux pour le bas) parce que ni l'imprimé lierre des rideaux de l'hôtel ni les dessus-de-lit à fleurs ne convenaient. «Elle l'a souvent remis», dit-il. Reste à côté d'une certaine simplicité, le goût de l'exigence. «Renée Fleming faisait beaucoup d'effet dans les robes que je lui avais coupées pour la réouverture du Met, raconte Christian Lacroix. Mais la traîne ne lui semblait jamais assez longue, et la robe jamais assez serrée, jamais assez entravée, jamais assez difficile à porter. Plus elle faisait d'efforts sur sa silhouette, plus elle se sentait diva.»

«Vestiaire de divas» au Centre national du costume de scène, Moulins (Allier). Jusqu'au 31 décembre 2010. Catalogue éditions Gourcuff/Gradenigo 29 €.

"Ideas del hombre y más .......".

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