Le chef-d'œuvre de Versailles
Mots clés : chapelle de Versailles, Sainte-Chapelle, Louis XIV, Antoine Coypel, Claude Audran, Charles de La Fosse
Véronique Prat19/04/2010 | Mise à jour : 14:33 Réactions (10)
La chapelle de Versailles (44 m x 17,80 m x 25,60 m), selon la tradition des chapelles palatines, comporte deux niveaux. Au-dessus de l'entrée, la tribune principale était réservée à la famille royale, les tribunes latérales aux princes de sang. Le reste de la cour se tenait au rez-de-chaussée. (Pierre Arligui/Wide Production)
Jusqu'à la fin de l'Ancien Régime, la chapelle de Versailles fut le haut lieu des cérémonies religieuses de la cour de France. Une exposition célèbre son tri-centenaire, éclaire la richesse inouïe de son décor et évoque la splendeur de son mobilier disparu.
Son histoire est fastueuse. La chapelle de Versailles est un bâtiment extraordinaire par son architecture comme par son décor. Sa construction, échelonnée sur douze longues années - 1698-1710 -, fait d'elle un monument de transition entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, à une époque où le pouvoir ne change pas mais où le goût évolue vite. Il y a pourtant plus:la chapelle se place aussi en marge du mouvement de l'art français et même de l'art religieux européen. C'est que des règles très strictes et spéciales ont présidé à son élaboration : on a voulu faire de l'extraordinaire, et même du merveilleux, car il fallait à la fois honorer Dieu et le roi. Les fins politiques ont ici joué un grand rôle.
Au-dessus de la tribune royale, le décor de la voûte est un travail de Jean Jouvenet, «La Descente du Saint-Esprit sur la Vierge et les apôtres». C'est là que le roi entendait quotidiennement la messe. (Pierre Arligui/Wide Production)
La messe quotidienne, à laquelle Louis XIV assistait le plus souvent de sa tribune, était prétexte à un cortège qui se déroulait à travers le Grand Appartement du roi. «Allant et revenant de la messe, lui parlait qui voulait après l'avoir dit au capitaine des gardes, si ce n'était gens distingués», écrit Saint-Simon. Au cours de cette procession, solennelle et familière tout à la fois, il arrivait à Louis XIV de lancer lui-même une nouvelle, comme ce jour de juillet 1684 où il annonça, très satisfait, une trêve de vingt ans avec l'empereur Léopold Ier, la trêve de Ratisbonne. Des délégations auxquelles il n'avait pas donné audience, comme les envoyés d'Alger en 1681, saisissaient l'occasion pour se prosterner sur son passage. Il arrivait aussi qu'un incident vienne troubler l'ordonnance du cortège, comme durant le rude hiver de 1711 où un écuyer était tombé mort aux pieds du roi.
Pendant la messe, on chantait des motets et, pour la naissance des enfants de France ou à l'occasion des victoires militaires, on jouait des Te Deum. Les jours de fête, à Noël notamment, le spectacle était plus grandiose encore, ce que cette mauvaise langue de Saint-Simon est bien obligée de reconnaître. Louis XIV avait été le premier à introduire un orchestre dans une enceinte sacrée : trois travées de bancs recevaient 90 choristes qui interprétaient les œuvres de Lully puis de Delalande.
Les jours de fête, les princesses font la quête
Avec l'âge, la piété du roi se faisant plus manifeste, il assistait aussi aux vêpres, aux saluts, aux sermons et il ordonnait à Brissac, le major des gardes, «de lui faire savoir le nom de ceux qui causaient à la messe». Car même au cours des cérémonies religieuses, l'étiquette qui régentait la vie à Versailles provoquait des querelles:François de La Rochefoucauld refusa d'assister au sermon prétextant «qu'il ne pouvait s'accommoder d'aller, comme les derniers de la Cour, demander une place à l'officier qui les distribuait et s'y prendre de bonne heure pour en avoir une bonne». Saint-Simon, encore lui, a raconté comment la quête, faite par les grandes dames les jours de fête quand elles avaient l'honneur d'être distinguées par la reine, puis par la Dauphine, fut à l'origine d'une vilaine dispute entre les princesses de Lorraine et les duchesses. La chapelle, cependant, se devait de demeurer un sanctuaire à la gloire de Dieu.
L'orgue situé au-dessus du maître-autel doit son mécanisme à Clicquot et son buffet, magnifiquement sculpté et doré, à Degoullons. (Pierre Arligui/Wide Production)
C'est en 1682 que se précise l'idée de remplacer la première chapelle, qui était proche de l'appartement de la reine, par un édifice plus vaste. Les dépenses énormes causées par la guerre de la ligue d'Augsbourg vont obliger le roi à repousser ce projet pendant dix ans. Mansart, qui en est l'architecte en chef, rejette le dispositif habituel du plan en forme de croix:il trace un simple rectangle terminé par un hémicycle. L'intention est très nette:le plan de la chapelle de Versailles, en reprenant celui de la Sainte-Chapelle, sera un hommage à Saint Louis. Il appartenait en effet à Louis le Grand de renouveler le geste pieux du plus chrétien de ses devanciers, d'autant plus que les «L» couronnés pouvaient être une allusion aussi bien à Louis IX qu'à Louis XIV.
La consécration a lieu le 5 juin 1710, alors que le travail de décoration est loin d'être achevé. Mais il apparaît vite qu'on assiste ici à un renouvellement artistique : on ne peut plus parler de «style Louis XIV», même tardif, mais de style rajeuni. Cela est en partie dû aux artistes qui travaillent pour la chapelle:Antoine Coypel, qui peint la majeure partie de la voûte, deviendra l'un des peintres préférés du Régent. Claude Audran, qui dirige la vitrerie, sera l'un des maîtres de Watteau. Charles de La Fosse, qui avait été choisi par Louis XIV lui-même, emploie des couleurs qui évoquent la peinture vénitienne. Degoullons, qui sculpte le buffet d'orgue, travaillera ensuite pour Louis XV à l'aménagement des petits appartements.
Les cieux de la chapelle illustrent le parallélisme entre l'Ancien et le Nouveau Testament : les peintures de la voûte représentent les trois personnes de la Trinité. Au centre, Le Père éternel dans sa gloire apportant au monde la promesse du rachat, par Antoine Coypel; dans l'abside, La Résurrection du Christ, par Charles de La Fosse ; et au-dessus de la tribune royale, La Descente du Saint-Esprit sur la Vierge et les apôtres, par Jean Jouvenet. Quant aux sculpteurs, leur art « aimable » est déjà celui du XVIIIe siècle. Ainsi, tout concourt à faire du nouveau bâtiment un sommet de l'art français. Sur le budget total de l'édification de la chapelle royale, estimé à 2,5 millions de livres, près de un million fut d'ailleurs affecté au décor peint et sculpté. Mais rien n'est insignifiant à Versailles : le grand tapis de la nef avait été commandé à la manufacture de la Savonnerie. Récemment, l'un des compartiments centraux a pu être racheté pour 2 millions d'euros par le château-musée. On pourra le découvrir à l'exposition. L'orgue, situé dans la tribune au-dessus du maître-autel, inauguré en 1711, était un travail de Robert Clicquot. Autour de cet orgue, dont le plus illustre titulaire fut François Couperin, se plaçaient les musiciens et les choristes. Enfin, le missel était illustré par Charles-Nicolas Cochin. Où que l'on regarde, l'ornementation de la chapelle de Versailles était étincelante. Ce qui lui fut pourtant reproché, et cela dès le règne de Louis XIV : on l'accusa avant même d'être un acte de foi, d'être un acte de glorification royale. Etonnante chapelle. Merveille artistique, moins faite pour la prière que pour l'apothéose de la Maison de France.
» La visite virtuelle de la chapelle
"Ideas del hombre y más .......".
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Bienvenido, espacio de ideas.