Spirou fait de la résistance... sous le manteau!
-
C'est un peu LE canular de cette rentrée BD. Dans le sillage du 75eme
anniversaire de la naissance du personnage de Spirou, les éditions Dupuis
viennent ...
samedi 26 décembre 2009
F,P,D Univers. L'Estonie et le grand méchant loup édenté
Par François Hauter
23/12/2009 | Mise à jour : 17:33 |
«Le lieu symbolise la défiance, les relations venimeuses et ancestrales entre la Mitteleuropa et la Russie.» Crédits photo : Davide MONTELEONE/CONTRASTO-REA
À Narva, en Estonie, nous sommes au point de contact entre l'Union européenne et la Russie. Comme d'autres régions d'«entre-deux», le pays a appris à survivre malgré tous les bouleversements. Vingt ans après la fin de la guerre froide, l'empire soviétique n'est plus une menace. Mais les petits pays Baltes continuent à redouter leur grand voisin.
Mon père, à la fin des années 1930, se baignait dans le Rhin, lorsque soudain le courant l'a emporté sur l'autre rive, en Allemagne, où des jeunes de son âge construisaient la ligne Siegfried, face à la ligne Maginot. Traité d'espion, il fut rossé puis récupéré au poste frontière à Strasbourg par mon grand-père. Ce dernier lui administra une fessée mémorable «parce qu'il était allé en Allemagne».
J'imagine la même scène, ici, aujourd'hui, devant la rivière Narva. Sur les rives opposées de la Russie et de l'Estonie, deux impressionnantes forteresses se font face, de part et d'autre du pont reliant les deux pays. Le lieu symbolise la défiance, les relations venimeuses et ancestrales entre la Mitteleuropa et la Russie. Vingt ans après la fin de la guerre froide, les files interminables de camions subissent des contrôles tatillons entre la ville de Narva et celle d'Ivangorod, juste en face. L'Europe centrale et la Russie semblent se tourner le dos. En vérité, les choses ne sont pas aussi tranchées. Elles ne le sont jamais dans les terres du «milieu».
Les reporters les connaissent bien, ces pays du flou où s'affrontent les grandes puissances. L'Indochine, entre l'Asie brune et l'Asie jaune, a fait l'objet de toutes les convoitises. Elle est désormais grignotée par la Chine qui vient narguer l'Inde jusqu'à ses portes, au nord de la Birmanie. En Amérique centrale et dans les Caraïbes, les petits pays comme Panama, Cuba ou la Grenade ont fait l'expérience cuisante de déplaire à leur shérif si rapide au tir, les États-Unis. Le Maghreb et le Levant ont souvent été colonisés, dominés, convoités par les Occidentaux, parce que sans Tunis ou Beyrouth, les échanges entre chrétiens et musulmans, autour de la Méditerranée, sont bloqués. Enfin, en Asie centrale, ni les Russes ni les Chinois ne veulent être dérangés par les États-Unis. Ils feront tout pour que l'Amérique s'embourbe durablement en Afghanistan.
Les nations de l'«entre-deux» ont appris à survivre en développant au fil des siècles une capacité à changer de bord, à traverser les bouleversements géopolitiques. En Asie centrale, au premier millénaire, les musulmans avaient stoppé militairement l'avancée des Chinois. Désormais, ils commercent fébrilement avec «l'empire du Milieu».
L'Europe médiane, elle aussi, fait partie de ces zones de fracture entre civilisations, tant elle a servi pendant des siècles d'airbag entre la Russie et nos empires. La Lituanie, la Lettonie et l'Estonie, sur les rives de la Baltique, tout comme la Pologne un peu plus au sud, ont été tellement malmenées qu'elles ont disparu des cartes plusieurs fois. Mais ces peuples courageux se sont accrochés à leur langue comme à des bouées. Les voilà réinstallés sur leurs terres. Ils empruntent à l'Est et à l'Ouest, aussi bien qu'au Nord et au Sud pour construire des civilisations emmêlées, et se forger des identités complexes.
La Russie, «un immense vide»
Narva, c'est autre chose. C'est le point de contact direct entre l'Union européenne et la Russie. La ville, avec ses 65 000 habitants, est la troisième de l'Estonie. Rasée à 98 % en 1945 lors des combats entre les nazis et les Soviétiques, elle est devenue ensuite une zone de colonisation soviétique. En clair, les Estoniens n'ont pas eu le droit de l'habiter jusqu'en 1991, jusqu'à ce que le pays ait recouvré son indépendance. Cette ville estonienne est donc peuplée par… 95 % de russophones. Dans les collèges de la ville, l'estonien, la langue officielle du pays, est enseigné comme une langue étrangère.
Narva est intéressante parce qu'elle raconte le sort d'une ville soviétique qui, soudainement, se trouverait catapultée en plein milieu de l'Europe occidentale. Et ce n'est pas gai. C'est même un naufrage. Narva est incapable de réagir, de s'adapter. Son destin est scellé : elle va mourir à petit feu, avec la disparition progressive de ses habitants. Ces derniers semblent s'agiter dans une nasse. Ces anciens Russes, devenus des citoyens de l'Union européenne, peuvent circuler librement en Europe de l'Ouest. Mais leur fatalisme, leur mépris pour les autres cultures, leur passivité agressive vis-à-vis de tout changement, les encalminent dans leur cité hideuse. Ils profitent sans vergogne du confort matériel apporté par l'Estonie, et se lamentent d'avoir besoin de visas pour aller rendre visite à leurs cousins, de l'autre côté de la rivière.
La déchéance de Narva n'est pas une question d'architecture ou de confort. La ville est laide, mais pas davantage que Villeurbanne ou Sarcelles. À l'égal des autres «cités modèles soviétiques», c'est une collection de blocs de bétons qui portent les doux noms de Stalinka (des HLM à trois étages construits à l'époque de Staline) et de Khrutchevas (cinq étages). Ce sont les cages que l'on retrouve jusqu'à Oulan-Bator, et auxquelles s'applique si justement ce mot de Václav Havel : «La société totalitaire est le miroir déformé de toute la civilisation moderne.» Des centres commerciaux miteux se sont installés entre ces barres. Me voici plongé dans la civilisation «pré-Ikea», avec les magasins de meubles proposant des salons «Versailles» tartinés de dorures. Les établissements «Rademar» attirent les élégantes du coin. Elles en sortent déguisées en pingouins ou en prostituées.
Narva reflète, en un peu moins pauvre, la décrépitude de la Russie des campagnes, celle que l'on voit ici de l'autre côté de la rivière. Une Russie, frustrée en permanence, qui ne fait rien fructifier. Une Russie impuissante. Galina Smirnova, la conservatrice du musée local, en est un bel exemple. Russe, elle a étudié à Moscou, et me confie, dans un restaurant décoré d'armures, d'épées et de boucliers «made in China» : «Ici, c'est de pire en pire, l'Estonie ne fait rien pour nous ! La ville perd ses habitants, les usines ferment, et les jeunes partent vers la Grande-Bretagne, l'Allemagne ou la France, des pays qui n'ont jamais fait partie du bloc soviétique !» Galina s'indigne que les jeunes ne veuillent pas «maintenir le lien maternel» avec sa chère patrie. Elle est comique, cette femme, avec sa permanente couleur foin et sa mauvaise foi. Les Russes d'ici ne font rien pour se rapprocher ni des Estoniens, ni du monde occidental. Ils se ghettoïsent.
Je fais remarquer à Galina que la ville d'Ivangorod, en face, est bien pauvre, et que si l'on ouvrait la frontière aux Russes, à Narva, toute la jeunesse de son pays maternel se précipiterait vers l'Union européenne. «Oui, convient-elle, toutes les richesses sont concentrées à Moscou et Saint-Pétersbourg. Les petites villes russes sont misérables.» Mais ma remarque la vexe. Nous nous quittons froidement.
La situation en Russie alarme tous les intellectuels et les universitaires que j'ai rencontrés en Europe centrale. La Russie, affirment-ils, n'est plus seulement «la Haute-Volta avec des missiles», comme le disait drôlement l'ex-chancelier Helmut Schmidt. Elle est, selon la formule de plus en plus courante, «un immense vide». Partout, de l'Estonie à la Roumanie, le diagnostic est alarmiste.
À Varsovie, le Pr Jan Winiecki explique : «La population russe s'effondre à un taux sans précédent. L'économie s'est enfoncée de 8 à 10 % en 2009. La Russie a une industrie militaire, des ressources naturelles, et strictement rien d'autre.» Marju Lauristin, à l'université de Tartu, en Estonie, ajoute : «La Russie n'est plus le tiers-monde, c'est le quart-monde. Elle est notre interrogation fondamentale. Car la Chine, d'ici vingt ans, va révéler toute sa puissance. Quant à l'Europe, elle se structure mal, mais elle le fait. La nature ayant horreur du vide, que va devenir cette Russie, cette terre gorgée de ressources énergétiques, entre nous et les Chinois ? Cette Russie qui demeure au Moyen-Âge et se vide de ses habitants ?»
Blottis contre l'Europe
À Riga, Juris Zagars, le directeur de la recherche spatiale en Lettonie, connaît intimement la Russie et ne dit pas autre chose : «La société russe ne s'est pas consolidée. Le communisme a été un paravent pour cacher la persistance du féodalisme. Les mentalités là-bas n'évoluent pas. L'on peut toujours y faire n'importe quoi, sans conséquences sociales. L'indifférence aux résultats est absolue».
Naturellement, les Estoniens et les Lettons, qui partagent une frontière avec la Russie, sont les plus nerveux face à ce pouvoir qu'un diplomate présente comme «une puissance impériale édentée». Un pays aux vraies capacités de nuisance cependant, qui a conservé l'habitude de vouloir contrôler ses petits voisins, en menant des attaques par Internet, en exportant ses mafias, en coupant le robinet de gaz. Le rapprochement opéré par Barack Obama avec Moscou a accru la nervosité des pays Baltes, qui viennent se blottir contre l'Europe.
Ils s'en remettent d'autant plus à Bruxelles et à l'Otan que la dynamique de confrontation entre Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev - le premier se montrant méprisant vis-à-vis du second -, semble bien engagée, autour d'une polarisation idéologique. C'est ce que constate l'expert Alexandre Smolar : « M. Poutine est du KGB, dit-il, M. Medvedev, qui se présente comme un homme civilisé, est un scientifique. Le président Medvedev a jusqu'à présent été toléré par son premier ministre M. Poutine, mais il ne dispose que du ministère de la parole. Le problème en Russie est très profond, il est celui du pouvoir, pas uniquement celui de la société. » Il est celui de l'Europe également, puisque la Russie est beaucoup trop immense pour devenir à son tour un pays du flou et de l'«entre-deux». Sauf à devenir un champ de confrontation entre l'Europe et la Chine.
"Ideas del hombre y más .......".
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Bienvenido, espacio de ideas.