Marie-Antoinette, la reine de l'écran
Mots clés : le figaro magazine, Marie-Antoinette
Par Jean Tulard13/08/2010 | Mise à jour : 16:43 Réactions (2)
Kirsten Dunst dans le film de Sofia Coppola (2006) : l'actrice a du charme, mais c'est Versailles à la sauce Hollywood.
Marie-Antoinette est probablement la reine de France qui a été la plus mise en scène au cinéma.
À l'écran, Marie-Antoinette devance sans peine Anne d'Autriche, qui ne doit sa célébrité cinématographique qu'aux ferrets qu'elle eut l'imprudence d'offrir au duc de Buckingham et que d'Artagnan, si l'on en croit Dumas, alla récupérer à Londres. Pourquoi une telle fascination pour la femme de Louis XVI, inspiratrice d'une trentaine de films ? C'est qu'elle offre aux scénaristes plusieurs visages, de la princesse frivole de Versailles à la reine martyre de la Terreur.
Comme elle est séduisante, cette archiduchesse de 14 ans qui arrive à Versailles pour épouser l'héritier du trône, le 16 mai 1770. Sa fraîcheur, sa grâce, son élégance en font la reine de toutes les fêtes, de tous les bals, de toutes les extravagances. Bien vite on lui prête les passions les plus folles, dont une liaison avec le beau Fersen. Le cinéma ne pouvait ignorer une telle héroïne.
Lana Marconi dans «Si Versailles m'était conté», de Sacha Guitry (1954).
Hollywood s'empare du personnage pour raconter sa vie en 1938. La Marie-Antoinette du réalisateur Van Dyke est jouée par Norma Shearer. Décors, costumes, jeu des acteurs, tout est outré dans cette production de la Metro-Goldwyn-Mayer, alors à son apogée. Sacha Guitry reste plus mesuré dans Si Versailles m'était conté, mais les somptueux atours de Lana Marconi font encore rêver.
Ces réalisations sont dépassées, en 2006, par la Marie-Antoinette de Sofia Coppola, qui évoque la vie de Marie-Antoinette à Versailles. Tournée dans le château, l'œuvre éblouit par un déploiement de perruques, d'éventails et de pâtisseries, une symphonie de couleurs, du rose bonbon au noir crépusculaire, une musique où Rameau côtoie les rythmes modernes, le tout masquant quelques erreurs grossières et des anachronismes volontaires. Kirsten Dunst campe une Marie-Antoinette mutine et espiègle.
La politique montre déjà le nez avec l'affaire du Collier de la reine, où se trouve compromis un prince de l'Eglise, Rohan. C'est Alexandre Dumas qui fournit la trame de l'histoire de Cagliostro de Ratoff, en 1949, où Nancy Guild est Marie-Antoinette et Orson Welles, Cagliostro. Dans sa reconstitution de L'Affaire du Collier de la reine, trois ans plus tôt (Marion Dorian y est Marie-Antoinette), Marcel L'Herbier se veut plus rigoureux.
Une autre Marie-Antoinette s'impose au début de la Révolution : la princesse évaporée que ses excentricités rendaient populaire laisse la place à l'Autrichienne (ce sera le titre du film de Pierre Granier-Deferre, en 1990, avec Ute Lemper), une reine hautaine, méprisante, indifférente aux malheurs du peuple. Deux chefs-d'œuvre l'évoquent. Dans le Napoléon d'Abel Gance, en 1927, c'est une Suzanne Bianchetti altière, pleine de morgue, que l'on entrevoit lors de l'évocation du 10 août. Le rôle de la reine est plus développé dans La Marseillaise de Renoir, tournée avec le concours de la CGT, dans l'euphorie du Front populaire, en 1937. Lise Delamare, qui fit l'essentiel de sa carrière à la Comédie-Française, compose une Marie-Antoinette ennemie du peuple et imbue des privilèges de sa caste.
Dernière image de Marie-Antoinette : la veuve Capet. La prisonnière du Temple porte le bonnet blanc et le voile de deuil. Visage émacié, creusé par le chagrin, cheveux blanchis prématurément : ainsi apparaît-elle sur le tableau du musée Carnavalet attribué à Prieur. Et revoici Dumas et son chevalier de Maison-Rouge. Les projets d'évasion de la reine ont inspiré films (l'ahurissant Prince au masque rouge, de Cottafavi, avec Renée Saint-Cyr dans le rôle de Marie-Antoinette) et téléfilms (Le Chevalier de Maison-Rouge, de Claude Barma, où Annie Ducaux joue Marie-Antoinette). Ce sera finalement le jugement du tribunal révolutionnaire que suit l'exécution. Cette fin tragique est parfaitement rendue dans le film de Jean Delannoy, en 1956, sur un scénario de Philippe Erlanger qui évoque toute la vie de la reine. Michèle Morgan est impressionnante de vérité dans sa marche vers l'échafaud. L'image rappelle alors le cruel dessin de David.
Ce 16 octobre 1793, un mythe cinématographique est né.
"Ideas del hombre y más .......".
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