Les héros des séries broient du noir
Mots clés : séries, héros, festival Séries Mania
Par Isabelle Nataf06/04/2010 | Mise à jour : 12:53 Réagir
La nouvelle famille qui s'installe à Wisteria Lane dans la sixième saison des Desperate Housewives, actuellement diffusée sur Canal +, détient un secret, tout comme l'arrogant et séduisant Don Drapper de Mad Men. (American Broadcasting Companies, Inc)
Le festival Séries Mania s'ouvre mardi à Paris. En vedette, ces personnages qui, tels Dr House ou Nurse Jackie, cultivent leur côté obscur.
Les superhéros des séries télévisées américaines ont du plomb dans l'aile. Pour qu'on les adopte, il faut qu'ils soient dotés de dons surnaturels, comme les personnages de Heroes. Sinon, fini le temps des Charles Ingalls donneur de leçons dans La Petite Maison dans la prairie ou l'avocat justicier Perry Masson, de la série du même nom. Même le dernier des représentants de cette tendance, l'infaillible Jack Bauer de 24 Heures chrono qui finit toujours par sauver le monde, commence à se poser des questions sur ses méthodes dans les deux dernières saisons de la fiction. Surfait désormais le happy end de rigueur.
Ce que veulent aujourd'hui les téléspectateurs, comme le souligne l'historienne Marjolaine Boutet, spécia-liste des séries télé, ce sont des «personnages de plus en plus humains et complexes» avec leurs zones d'ombres et leurs mystères. D'ailleurs, selon François Jost, professeur en sciences de l'information, la notion de secret est de plus en plus présente dans les séries. «Auparavant, analyse-t-il, il y avait des énigmes à découvrir, aujourd'hui ce sont des secrets.» La nouvelle famille qui s'installe à Wisteria Lane dans la sixième saison des Desperate Housewives, actuellement diffusée sur Canal +, détient un secret, tout comme l'arrogant et séduisant Don Drapper de Mad Men. Même l'angélique nurse Jacky, elle aussi en surface toute de sainteté nimbée, se shoote aux médicaments en cachette de ses collègues et trompe son mari.
Aujourd'hui, dans les fictions, impossible d'affirmer, péremptoire, «ceux-là sont bons, ceux-là sont méchants». D'ailleurs, même le «pire» d'entre eux, Dexter, qui, sous ses dehors de respectable jeune père de famille, est aussi un tueur en série, ne frappe pas «gratuitement». Il élimine d'autres criminels. Qui plus est sa personnalité reste attachante:le pauvre trimballe un sac de soucis qui lui plombe la vie. On est prêt à lui donner l'absolution, tout comme on le fait avec l'irascible Dr House, qui fera prochainement un tour par la case hôpital psychiatrique.
De plus en plus, «les séries brossent un portrait de l'humanité qui correspond à la vraie vie» , souligne Marjolaine Boutet. Pour autant, chacun des héros a quelque chose qui le sort de la banalité, que ce soit dans sa vie professionnelle ou personnelle. Sinon, l'intérêt serait vite émoussé. On choisit des gens ordinaires, avec leurs problèmes, certes, mais avec un cynisme exacerbé, voire du sadisme : Patty Hewes, l'avocate impitoyable de Damages , harcèle sa sta- giaire ; Bree, la femme au foyer respectable des Desperate Housewives , abandonne son fils sur le bord de la route et sa copine Susan pique le petit ami de sa fille.
Arrivistes, cupides, sans aucun scrupule
«Les scénarios sont plus méchants qu'avant», estime François Jost. Mais l'humour ou le second degré sont eux aussi de plus en plus présents. Selon le spécialiste des médias, en revanche, les antihéros purs et durs «n'ont pas vraiment de succès, car ils ne sont pas assez identifiables. Le téléspectateur aime comprendre les personnages et leurs enjeux». Ceci explique l'échec de la série française Le Chasseur diffusée dernièrement sur France 2, ou celui de sa consœur américaine Profit qui n'a tenu que huit épisodes. Les protagonistes étaient arrivistes, cupides, sans aucun scrupule. Une sanction qui risque d'arriver aux deux chirurgiens esthétiques de Nip/Tuck. À force de débordements, ils risquent de lasser les téléspectateurs. Alors, faut-il compter sur le retour de séries plus classiques et légères ? C'est en tout cas le chemin que prennent celles lancées récemment aux États-Unis. On peut citer la comédie romantique Castle ou la comédie musicale Glee. « Le ton est davantage à la diversité », conclut Marjolaine Boutet. Un peu d'humanité dans un monde de brutes ?
À lire : la nouvelle revue aux éditions du CNRS «Télévision»sous la direction de François Jost. En librairie, 25 euros."Ideas del hombre y más .......".
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