Henri IV, retour sur une légende
Mots clés : Henri IV, Vert Galant, château de Pau
Par Eric Bietry-Rivierre09/04/2010 | Mise à jour : 10:59 Réagir
Henri IV confirme son abjuration de Jacopo da Empoli (Florence 1551-1640) (© Archivio fotografico della Soprintendenza SSPSAE e per il Polo Museale della città di Firenze)
Parmi les nombreux événements organisés à l'occasion du 400 e anniversaire de la mort du Vert Galant, le château de Pau exhume un exceptionnel cycle décoratif réalisé pour l'hommage funéraire.
Envoyé spécial à Pau
Le roi est mort. L'attentat commis par un fanatique traumatise l'Europe. La France se déchirera-t-elle encore aux cris des ligueurs et des réformés? Veuve d'Henri IV, Marie de Médicis agit promptement. Ravaillac sera écartelé en place de grève et partout les placards en décriront les tortures préalables. Un peu d'intimidation ne peut nuire. Surtout, la régente va tirer tout le parti possible du drame. Les obsèques à Notre-Dame hisseront Henri au rang de martyr. Ici comme dans toutes les églises de France et de Navarre, sermons et pompes n'auront de cesse d'exalter sa grandeur et plus encore son œuvre pacificatrice.
Il en va de même à Florence, où la puissante famille de Marie, emmenée par le grand-duc Côme II, organise le deuil. Par-delà la communion dans la peine, il s'agit de réaffirmer l'alliance entre la France et la Toscane.
Le 15 septembre 1610, soit seulement quatre mois après l'assassinat, la basilique San Lorenzo est parée. Dans la lumière de milliers de bougies, sur les rideaux de velours qui occultent les chapelles, a été accroché un cycle de vingt-six grandes toiles, peintes, dans une grisaille solennelle, par vingt-six peintres, qui n'ont disposé que de deux mois et demi pour la réalisation de ces scènes qui résument les hauts faits et la sagesse politique du «Bon Roy Henry». On les verra pendant six mois, puis elles seront pliées et presque oubliées dans les réserves.
Restaurées tant bien que mal dans les années 1980, les dix-neuf grisailles subsistantes retrouvent aujourd'hui pour la première fois dans le château natal du Vert Galant, à Pau, la lumière et leur majesté grave.
«C'est à partir des copies d'estampes que cette première biographie posthume du roi fut connue dans toute l'Europe, explique Paul Mironneau, le directeur du musée. C'est par ce biais que Rubens s'en est inspiré pour sa décoration du palais du Luxembourg, aujourd'hui visible au Louvre.» Pour cette présentation sur un beau fond rose pourpre, identique à celui de la cuirasse du portrait d'Henri IV en dieu Mars peint par Jacob Bunel, qui trône à l'étage supérieur du château, les toiles sont accompagnées d'autres huiles, de sculptures, de dessins et d'objets précieux. L'ensemble explique et complète la performance commémorative.
Divers tempéraments artistiques
Si le maniérisme académique est de rigueur, il ménage l'expression des divers tempéraments artistiques. Jacopo da Empoli, Bernardino Poccetti ou encore Francesco Curradi ont travaillé en équipe et à partir d'un programme iconographique très précis - assurément visé par Marie de Médicis -, mais ils ne sont pas serviles. On note même parfois l'influence de l'avant-garde caravagiste romaine.
D'un coup d'œil, l'épopée henricienne se déploie ici. Non loin de la carapace de tortue de mer dans laquelle aurait été bercé le Béarnais. Une légende en cours de cristallisation. Rien ne prouve que ces images soient, dans leurs détails, « la » vérité historique, cela participe de leur charme. Les vues de Paris sont par exemple très fantaisistes. Mais qu'importe. Elles servent à merveille le mythe, ce qui est bien plus important pour la jeune dynastie des Bourbons et pour un pays à la cohésion fragile.
Henri n'a probablement pas prononcé la célèbre formule:«Paris vaut bien une messe», lorsqu'il abjura solennellement le protestantisme pour accéder au trône de France - il parla de «saut périlleux», précise Paul Mironneau. Mais toute la politique de cet homme qui changea six fois de religion tend à le lui faire dire. Cet art du compromis dans la vraisemblance au profit de l'histoire est aussi à l'œuvre dans les grisailles.
«Paris vaut bien une messe ! 1610 : hommage des Médicis à Henri IV, roi de France et de Navarre», jusqu'au 30 juin au château de Pau (Pyrénées- Atlantiques). Catalogue RMN, 280 p., 39 €. Tél. : 05 59 82 38 00."Ideas del hombre y más .......".
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