Dans la peau de Napoléon
Combats, stratégie et diplomatie : «Napoléon Total War» incarne une nouvelle génération de jeux vidéo qui font aimer l'histoire.
Et si les jeux vidéo redonnaient le goût de l'histoire ? De plus en plus réalistes, ils ne se contentent pas de transporter le joueur à une époque donnée, mais l'amènent à compléter ses connaissances pour réagir en fonction du contexte historique. Le titre Napoléon Total War, qui vient de sortir, illustre à merveille la tendance. Finis les exposés didactiques des programmes ludo-éducatifs. Place à l'action. Mais avec un ensemble de détails qui plongent littéralement le joueur au cœur des campagnes napoléoniennes. Les personnages, l'ambiance des batailles, les impératifs économiques, les approches politiques et diplomatiques:tout y est. Y compris des précisions qui épatent jusqu'aux spécialistes:«J'ai été très étonné par tous les paramètres qui ont été pris en compte, comme le maniement du fusil 1777, qui prend une minute à être rechargé, ou la portée des pièces d'artillerie conforme à la réalité, approuve l'historien Dimitri Casali, auteur du Larousse de Napoléon et de Napoléon par les peintres. On retrouve aussi tous les problèmes de logistique et de ravitaillement de l'époque.»
Dans Napoléon Total War, l'objectif prioritaire est de conquérir de nouveaux territoires ou de contenir les menaces d'invasion de l'armée ennemie : le joueur peut en effet diriger les troupes de l'empereur ou commander une armée adverse, prussienne, autrichienne, anglaise ou russe. Mais le scénario donne aussi l'occasion de s'essayer à la diplomatie, de prendre des initiatives politiques et de gérer divers aspects économiques. Insensiblement, le joueur en vient à s'informer sur la jeunesse de Bonaparte, la politique maritime de l'Angleterre, le rôle des grenadiers ou la guérilla des Mamelouks. Une autre manière de raconter l'histoire.
Une création… anglaise
Sur le terrain, on manipule les troupes un peu comme des soldats de plomb sur une carte en relief. Il faut engager dans le combat les unités les mieux adaptées (infanterie, cavalerie, artillerie, marine) et tenir compte d'une multitude de données : conditions climatiques, configuration du terrain, qualité de l'équipement, portée des canons et des fusils, etc. Le réalisme et la qualité des images sont impressionnants. Reconstitution des paysages et des bâtiments, respect des uniformes et des formations, bruitages, effets d'éclairage : on s'y croirait. À quoi s'ajoutent la vue en perspective, les animations et l'accompagnement musical qui donnent un aspect cinématographique au jeu. Plus impressionnant, on peut observer en détail les combats et zoomer sur des soldats pour découvrir comment les artilleurs alimentent un canon ou comment la cavalerie se déploie pour charger.
«J'ai trouvé le scénario très juste historiquement, souligne Dimitri Casali. On passe des idéaux révolutionnaires de Bonaparte à la mégalomanie de Napoléon à partir de 1810. Ce qui est amusant, c'est que ce jeu est d'origine anglaise. L'équipe de développement s'est documentée auprès d'historiens anglais et a consulté une quantité d'ouvrages d'auteurs de différents pays sur Napoléon. Cet ensemble de sources d'origines diverses leur a permis de recréer très fidèlement le contexte de l'époque et de décrire objectivement les enjeux des conflits et la personnalité des protagonistes.» Même s'il s'agit avant tout d'un jeu, dont l'objectif est de gagner. Rien d'étonnant, donc, s'il permet de renverser le cours de l'histoire. En plaçant judicieusement ses unités et en faisant preuve d'un bon sens tactique, on peut donner la victoire à l'armée française à Trafalgar ou à Waterloo. Un moyen d'inciter le joueur à parfaire ses connaissances, sans lesquelles il lui est impossible de gagner.
Utilisés par les enseignants
Napoléon Total War n'est pas le premier jeu qui associe combats, stratégie et gestion sur fond historique. Dès les débuts de l'informatique personnelle sont apparus les «wargames», puis des adaptations de jeux de plateaux comme Risk. Des simulations plus élaborées ont suivi. Dans Civilization et World Empire (1991), Imperialism et Age of Empires (1997), l'intelligence artificielle joue un rôle de premier plan pour gérer les comportements stratégiques et politiques des protagonistes. Ces dernières années, les éditeurs se sont emparés de différentes périodes historiques pour proposer des scénarios plus ou moins réalistes : l'Empire romain et la civilisation grecque, la guerre de Cent Ans et les Croisades, la guerre de Sécession et l'indépendance des États-Unis, la Première et la Seconde Guerre mondiale, etc.
«Ce type de jeu peut vraiment donner le goût de l'histoire aux jeunes, estime Daniel Ichbiah, auteur de La saga des jeux vidéo. Je me souviens qu'à la sortie du titre Versailles, dans les années 1990, des collégiens venaient visiter les lieux qu'ils avaient traversés dans le jeu. Dans les jeux historiques, les enfants découvrent comment se déplacent les armées et quels uniformes portent les soldats. Ils peuvent plus facilement se représenter les généraux et différents personnages historiques. Et les épreuves de ce type de jeu sont souvent très enrichissantes : pour les réussir, il faut étudier l'histoire.»
L'inverse peut-il être vrai?Utiliser les jeux à toile de fond historique pour enseigner l'histoire plus agréablement ? C'est ce que pensent des enseignants qui illustrent leurs cours à l'aide de jeux vidéo. «J'ai des collègues qui projettent des images de Napoléon Total War à leurs élèves de 4e sur un tableau interactif, témoigne Dimitri Casali. Mais les inspecteurs d'académie sont très frileux sur ces méthodes. Pourtant, avec ce genre de titre, on peut intéresser les élèves à l'histoire. Et l'éducation à la citoyenneté passe par l'histoire.» Un avis partagé par Daniel Ichbiah:«Ces jeux rendent l'histoire vivante. On ne peut pas comprendre comment Napoléon gagne une bataille si on ne la voit pas de manière cinématique. À Waterloo, on comprend tout de suite pourquoi il est battu. Les jeux vidéo permettent aux élèves de vivre ces événements en direct. » Au moment où les aménagements des programmes scolaires remettent en cause l'enseignement de l'histoire, ces initiatives pourraient bien redonner la passion du passé aux plus jeunes.
«Napoléon Total War», édité par Sega, pour Windows, 34,90 €.
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