lundi 12 octobre 2009


F,P,D Univers.L'argent des stars de l'opéra
Léna Lutaud
09/10/2009 | Mise à jour : 13:31 |

Angela Gheorgiu (Sasha Gusov/EMI Classics)
ENQUÊTE - Si elles perçoivent toutes un cachet identique, les grandes voix lyriques parviennent à multiplier leurs gains grâce aux récitals et aux disques.

Samedi soir, la pétillante chanteuse russe Anna Netrebko fera l'événement dans L'Élixir d'amour à l'Opéra Bastille. À Covent Garden, le ténor Roberto Alagna triomphe dans Carmen. Au Met, Karita Mattila est la Tosca * . Pour ces trois étoiles, le cachet est le même : 15 000 euros brut par soir. Pas un centime de plus. Billets d'avion et frais de séjour sont à la charge du chanteur. Parce qu'elle chante souvent au Met, Natalie Dessay a préféré s'acheter un appartement à Manhattan. Renée Fleming a fait de même à Paris et prête sa maison dans le Marais à ses collègues. En retour, elle peut compter sur eux pour être aussi hébergée gracieusement à l'étranger.

Arrivée à Paris, le 25 septembre dernier pour prendre ses marques dans L'Élixir d'amour, Anna Netrebko a payé son billet d'avion ainsi que ceux de son mari, le baryton Erwin Schrott, et de la nounou de leur fils, Tiago, 1 an. On est très loin des exigences incroyables d'une Sharon Stone, d'un Mick Jagger et d'un Tony Parker qui dorment dans des palaces et voyagent en jet privé. «Les chanteurs d'opéra ont un grand sens moral, explique Thérèse Cedelle, impresario de Natalie Dessay. Sur scène, ils ne peuvent pas improviser. L'exigence absolue sur leurs épaules leur apporte un sens de la vraie vie qu'on retrouve dans les contrats.»

La surenchère est de toute façon difficile. L'économie d'un opéra est ainsi faite que les comptes sont dans le rouge, tous les soirs. Le budget des scènes subventionnées par l'État ou financées par des mécènes est plafonné. Cas unique dans le monde du spectacle, les directeurs s'entendent sur les cachets qui, du coup, sont les mêmes à Londres, New York et Paris.

Le «top fee » réservé aux quinze plus grandes voix est de 15 000 euros brut par soir. Les étoiles montantes comme Diana Damrau ou Sophie Koch obtiennent entre 5 000 et 12 000 euros, tandis que les petits rôles sont à moins de 1 000 euros. «Entre directeurs, on se téléphone en permanence», sourit Peter Gelb, directeur du Metropolitan (Met). «Et nous éditons, deux fois par an, un tableau récapitulatif des cachets, artiste par artiste», confie Élisabeth Pezzino, directrice de la programmation de l'Opéra de Paris.

La crise frappe les opéras américains

Grâce à des subventions plus importantes, la Zarzuela et Bilbao sont les seuls à offrir 20 000 euros par soir. «Avant, c'était les Italiens avec, en plus, des dessous-de-table», dénonce Pierre Médecin, président de l'Association des directeurs d'opéra européens.

La seule façon pour un chanteur d'améliorer l'ordinaire est de « sortir des disques et enchaîner avec des récitals», résume Jean-Pierre Le Pavec, producteur des récitals Grandes Voix qui reçoit cette saison à Paris Anne-Sofie von Otter et Jonas Kaufmann. Comme le financement est privé, la loi de l'offre et la demande règne. Selon la notoriété du chanteur, le cachet d'un soir oscille entre 30 000 et 200 000 euros. Angela Gheorgiu et les autres membres du « top fee club » équilibrent leurs plannings. Seule Cecilia Bartoli déserte la scène pour ne plus faire que des galas. «C'est pourtant le prestige de l'opéra qui aide à décrocher les autres contrats. Sur le long terme, le public se lasse », souligne Peter Gelb.

Comme ses collègues, il négocie actuellement la saison 2014-2015. Son défi ? Avoir tous les soirs une star à l'affiche et une distribution homogène. Pour les artistes, il est difficile d'anticiper la voix qu'ils auront dans cinq ans. Ils sont aussi confrontés à la crise qui frappe les opéras américains. Faute de mécènes, certains annulent des pans entiers de leur saison ou font faillite. Le Met ne pourra pas offrir du travail à tous. Sentant le vent tourner, le syndicat American Guild of Musical Artists a accepté que ses membres ne soient pas rémunérés pour les retransmissions au cinéma. Dans son lumineux bureau au septième étage de l'Opéra Bastille, Élisabeth Pezzino croule sous les appels d'Outre-Atlantique : « Les Américains ont des trous dans leur planning. Comme l'Europe est favorisée par le taux de change, un exode s'annonce.»




"Ideas del hombre y más .......".

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